Un pont entre deux mondes
Le lundi 14 avril 2025

Entretien avec David Bates, chef d’orchestre du concert Fireworks !
Quel est le point de départ de votre programme et comment s’articule-t-il ?
Placé sous le signe de la fête, le point de départ de ce programme est l’Ouverture d’Acanthe et Céphise, opéra que Rameau composa en 1751 pour célébrer l’anniversaire du duc de Bourgogne, père de Louis XVI. Ce qui m’a particulièrement intéressé, c’est que cette ouverture a été conçue pour recréer musicalement un feu d’artifice, avec ses gammes ascendantes et ce canon récurrent qui lui confère un caractère explosif. Ainsi découle une articulation autour de la « musique à programme ».
En anglais, program music désigne une partie du répertoire symphonique fondée sur une narration précise, destinée à évoquer des images ou des idées extra-musicales chez l’auditeur, en décrivant musicalement une scène, un thème, des événements ou un texte littéraire.
L’Été de Vivaldi imite, par exemple, la saison dans les moindres détails, allant jusqu’à intégrer des sonorités évoquant le bourdonnement des moustiques. Battalia a 10 de Biber, quant à elle, dépeint toutes les étapes d’une bataille : le chaos, le rassemblement des troupes, la beuverie avant l’assaut, la marche, le combat, puis un lamento final pour pleurer les morts.
Enfin, impossible d’évoquer le feu d’artifice sans penser à Music for the Royal Fireworks de Haendel. Créée en plein air, cette œuvre rassembla 12 000 spectateurs, générant une effervescence extraordinaire. J’ai voulu recréer cet enthousiasme, cette excitation et cette énergie.
Quelle place l’air de Mitridate, occupe-t-il dans le programme du concert ?
Pour moi, la musique de Mozart permet justement de faire un pont entre deux mondes : celui de la musique baroque et celui de la musique classique qu’un orchestre comme celui de l’Opéra Normandie Rouen a plus l’habitude de jouer et qu’il interprète magnifiquement. Quant à Lucy Crowe, elle chante cet air avec une virtuosité inégalée.
Vous venez du monde de la musique baroque et dirigez l’ensemble La Nuova Musica. Qu’appréciez vous particulièrement dans la direction d’un orchestre symphonique moderne comme celui de l’Opéra Normandie Rouen ?
J’aime introduire la musique de Rameau aux orchestres modernes, leur donner les clés pour en comprendre le langage et l’interpréter avec justesse. Après avoir dirigé Serse de Haendel avec l’Orchestre de l’Opéra Normandie Rouen, j’ai eu envie de renouveler cette expérience. Certes, un orchestre moderne, avec ses cordes en acier, ne peut reproduire le son des cordes en boyau des instruments anciens. Mais ce qui m’intéresse avant tout, c’est le geste musical, le style propre à chaque pièce. Il ne s’agit pas d’imiter le passé, mais de capter l’esprit de cette musique fondée sur les contrastes. La faire vivre avec un orchestre moderne permet aussi de la faire résonner auprès d’un autre public, et c’est ce qui me motive.
Propos recueillis par Solène Souriau • mars 2025
Le saviez-vous ?
L’œuvre Music for the Royal Fireworks a été composée pour le roi George Ier, afin de célébrer le traité d’Aix-la-Chapelle et marquant la fin de la Guerre de Succession d’Autriche. Une soirée est donc organisée dans le Green Park de Londres d’où un feu d’artifice est tiré, accompagné de la suite d’Haendel.
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