La figure du charlatan
Le vendredi 7 février 2025
![Le Docteur Miracle](https://www.operaorchestrenormandierouen.fr/wp-content/uploads/2024/05/95aa379d-7343-4fc5-b1c5-3fb780201d89.jpg)
Entretien avec Pierre Lebon, metteur en scène et costumier dans Le Docteur Miracle qui interprète également les rôles de L’assistant et du Valet.
Quelles ont été vos inspirations pour monter Le Docteur Miracle ?
Le livret, coécrit par Ludovic Halévy et Léon Battu, s’inspire des farces moliéresques du XVIIe siècle, où les médecins occupent une place centrale, comme dans Le Médecin malgré lui ou Le Médecin volant. Je me suis particulièrement intéressé à la figure du charlatan, qui remonte au Moyen Âge. Molière lui-même a collaboré avec un charlatan nommé Gros-Guillaume. L’étymologie du terme « charlatan » est italienne : il viendrait de cerretano, désignant les habitants de Cerreto, un village d’Ombrie réputé pour ses vendeurs de drogues, et de ciarlatano, qui signifie « bavard ». J’ai opté pour une scénographie inspirée du théâtre de rue et de la tradition du théâtre de tréteaux. Esthétiquement, le rouge, très éclatant, s’impose dans les costumes, soulignant l’exubérance propre à cet univers. Le charlatanisme, d’ailleurs, n’est jamais loin de notre jeu d’acteur.
Le spectacle commence avec un texte que vous avez écrit. Pourquoi ?
Les charlatans, à l’époque, s’associent souvent à des compagnies de commedia dell’arte pour attirer les passants. Ce texte d’introduction permet de recréer ce rapport direct avec le spectateur. Il peut sembler vulgaire mais il s’inscrit dans une longue tradition théâtrale. J’aime captiver le public dès le début pour l’amener dans un univers bien particulier. Ce type d’adresse évoque aussi les narrateurs dans Shakespeare. Les personnages incarnent des archétypes tels que le bourgeois et sa fille ou le militaire, et de ces personnages découle une manière codifiée de se mouvoir. La pièce est chorégraphiée, et je travaille beaucoup sur les déplacements et les dynamiques, notamment autour du Podestat, un personnage rond et central. Toute la farce gravite autour de lui, tandis que les autres personnages s’agitent à son contact.
« J’aime captiver le public dès le début pour l’amener dans un univers bien particulier. » Pierre Lebon
Comment traitez-vous le déguisement, central dans l’œuvre ?
Le déguisement joue un rôle fondamental au XIXe siècle. À cette époque, les « petits » théâtres sont soumis à un décret qui limite le nombre de personnages autorisés sur scène. Les librettistes contournent cette contrainte en intégrant des déguisements, permettant à un même acteur de jouer plusieurs rôles sans ajouter de nouveaux personnages. Cela enrichissait l’intrigue tout en apportant des variations musicales. Dans Le Docteur Miracle, le capitaine Silvio se déguise en domestique, puis en médecin, s’inspirant des figures de Scapin et d’Arlequin. Ce procédé apporte du rythme et reste comique, même aujourd’hui.
Propos recueillis par Solène Souriau • février 2025
Le saviez-vous ?
Le passage le plus célèbre de l’opéra est sans doute le fameux « Quatuor de l’omelette », où le jeune Bizet s’adonne avec malice à l’art du pastiche. Tout commence par une citation de Mozart et de son Requiem lors de l’entrée en scène de Véronique et Pasquin, apportant l’omelette. L’écriture musicale, volontairement grandiloquente, contraste de manière comique avec le caractère trivial de la situation. Quant à l’entrée des voix, elle s’amuse à parodier le style de Rossini avec une habileté savoureuse