Un combat pour la paix
Le mercredi 5 février 2025
![Beethoven Wars](https://www.operaorchestrenormandierouen.fr/wp-content/uploads/2024/05/4e653e07-4fb0-45b8-9464-2e4c61e2e439-2.jpg)
Entretien avec Laurence Equilbey, cheffe d’orchestre de Beethoven Wars.
Quels rapprochements faites-vous entre le manga et l’univers musical de Beethoven ?
Au sein d’Insula Orchestra, nous avons un département éducatif important dans lequel une équipe s’occupe spécifiquement de ces nouvelles formes artistiques et pédagogiques que sont le numérique, le podcast, la BD. C’est dans ce contexte que j’ai eu l’idée de proposer un concours de manga pour trouver un personnage qui pourrait incarner le projet d’Insula Orchestra. Cette recherche m’a permis de mieux connaître l’univers du manga dans lequel il y a beaucoup d’héroïsme, d’utopie et de valeurs humanistes. Le rapprochement avec l’univers de Beethoven a été immédiat ! Je cherchais depuis longtemps un projet pour deux de ses œuvres ; et soudain tout est devenu évident.
Pourquoi avoir choisi ces deux œuvres du répertoire de Beethoven, peu connues du grand public ? Pouvez-vous nous en dire plus sur ces deux musiques de scène : Le Roi Stephan et Les Ruines d’Athènes ?
J’aime beaucoup les musiques de scène qui accompagnent une pièce de théâtre. Que ce soit Egmont de Beethoven, Athalie ou Le Songe d’une nuit d’été de Mendelssohn. Ce sont des partitions peu enregistrées, très peu interprétées dans les salles, à part quelques ouvertures. Je les connais bien, ce sont de véritables perles oubliées, avec des moments de pure beauté. Dans Beethoven Wars, nous avons veillé à garder la dramaturgie des pièces originales. La musique joue tout le temps, avec des dialogues pour restituer aussi les mélodrames qui sont superbes. Ces deux musiques de scène sont des commandes adressées à Beethoven pour l’inauguration d’un théâtre à Budapest en 1812. König Stephan déroule l’histoire d’Étienne Ier, fondateur de la nation hongroise et pacificateur de cette région autour de l’an 1000. Dans Les Ruines d’Athènes, Minerve (ou Athéna) revient sur terre et découvre une Grèce en ruines, en proie à la désolation ; elle décide d’y édifier un théâtre pour y faire triompher les arts et les sciences.
« Au-delà de son aspect spectaculaire, le spectacle […] raconte l’importance des arts pour notre humanité. » Laurence Equilbey
Vous avez créé ce spectacle en mai 2024. Le sous-titre un combat pour la paix est-il un message ? Aujourd’hui, comment l’entendez-vous ?
Beethoven Wars incarne les idéaux humanistes chers au compositeur et invite les spectateurs à réfléchir sur la possibilité de créer un monde meilleur malgré les défis de la guerre et de la souffrance humaine. Au-delà de son aspect spectaculaire, le spectacle véhicule un message pacifiste et écologiste interpellant sur l’avenir de notre planète et raconte l’importance des arts pour notre humanité. Les mangas développent leurs intrigues le plus souvent autour de la notion de pouvoir et critiquent le fonctionnement des sociétés modernes soumises à des intérêts visant à les asservir. Le message qui me touche le plus dans Les Ruines d’Athènes pourrait se résumer à : « Vous avez beau détruire des temples et détruire des œuvres d’art, on en construira toujours d’autres, on en créera toujours d’autres après. L’art ne mourra pas. »
Propos recueillis par Solène Souriau • janvier 2025
Le saviez-vous ?
L’histoire est librement inspirée des livrets des deux musiques de scène de Beethoven, Le Roi Étienne et Les Ruines d’Athènes, écrites toutes deux en 1811 dans un contexte très politique. L’empereur François Ier d’Autriche, pour apaiser les sentiments nationalistes hongrois naissants, fait construire dès 1808 un grand théâtre à Pest pour célébrer la fidélité de la Hongrie à la monarchie autrichienne. À l’occasion de l’inauguration de ce théâtre en 1812, Beethoven est appelé à mettre en musique ces deux textes de circonstance écrits par August von Kotzebue.